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1 octobre 2008

Le déserteur

"A une époque, j'ai mené de front un hebdo, un bimensuel, deux mensuels et des histoires courtes. Je dessinais 130 pages par mois". Parce qu'il n'en voyait pas le bout, Hideo Azuma a craqué. Il est sorti acheter des cigarettes et il n'est jamais rentré. Du moins pas avant que la marechaussée ne lui mette le grappin dessus plusieurs semaines plus tard parce qu'il rôdait autour de la gare. Qu' a t-il fait durant son absence ? Il a dormi dans les bois, mangé dans les poubelles et a passé la majeure partie de ses journées à ramasser des mégots. Désinfection du pain rassis à la lumière du soleil, confection d'un réchaud à partir d'un bidon de fer rouillé, dégustation du chou sauvage et du radis blanc : il donne toutes les recettes de sa survie dans le Journal d'une disparition.

hideo1

Mais le plus étonnant, c'est qu'il a pris goût à la bohème : quelques mois après s'être remis au travail, il fugue à nouveau, "parce que des choses étranges avaient jailli de ma tête". Comme le désoeuvrement lui pèse, il accepte des travaux de tuyauterie sous les ordres d'un contremaître lubrique. Et se réinsère petit à petit : un salaire, une formation, des collègues, un toit. Il retâte même de la bande dessinée pour les besoins du journal d'entreprise, sans que personne ne le reconnaisse. Une chance : même au commissariat, un inspecteur lui avait demandé une dédicace avant de le remettre aux bons soins de son épouse.

hideo2

Ce qui est troublant chez Azuma, c'est le décalage entre la naïveté du dessin et le réalisme du propos. Et c'est certainement parce son trait en atténue la noirceur qu'il peut se permettre des descriptions aussi délicates, comme celle de sa tentative de suicide ou celle de son internement psychiatrique. Au-delà de son aventure au pays des sans-abris, Azuma entame aussi une réflexion sur sa condition de dessinateur de bandes dessinées, coincé entre des délais de création très courts et un éditeur qui retouche ses planches dans son dos. Débordé de travail mais privé de liberté, il envisage même l'autoédition, avant de choisir une solution encore plus radicale : la désertion. Paradoxalement, c'est de cette expérience de renoncement que découle son oeuvre la plus personnelle. Disparition manquée, mais reconversion réussie : il n'a pas perdu au change. Nous non plus.

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Commentaires
T
Ayé, je l'ai acheté et commencé...<br /> PS : merci pour la compile !
T
Génial, j'ai envie de lire ça tout de suite !<br /> l'idée de tout quitter me rappelle un peu Doppler, un roman délirant de Erland Loe que je te conseille
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