Le miracle de Lavoie
En finissant de regarder New Wave sur Arte, je tombe sur cette émission en public lors de laquelle Daniel Lavoie interprète son tube, qui est comme une continuation du film de Gaël Morel : j'ai toujours considéré "Ils s'aiment" comme le titre de variété qui incarne le mieux le spleen des années 80. Malheureusement, c'est une version live avec grand orchestre, et elle est diamétralement opposée à celle, minimaliste et lancinante, qui l'a fait connaître. Mais quand même, je me surprends à anticiper la moindre parole. Enfants du cynisme, armés jusqu'aux dents.
J'entends chez "Ils s'aiment", et son bandonéon qui rappelle "I've Seen That Face Before" de Grace Jones, le lointain écho de "La fête triste" de Trisomie 21 ou de "Sous la neige" de Dominique A. Le même pouvoir évocateur d'une époque, celle que Gaël Morel décrit si bien dans Télérama : "C'était une époque ambivalente, à la fois colorée et très sombre, où le spleen était une valeur revendiquée. A l'époque, être cool, ce n'était pas fumer des joints, mais s'enfermer dans sa chambre pour écouter des chansons tristes des groupes new-wave". Du coup, je reste immobile sur mon canapé à l'écouter, même si j'entends quelqu'un qui se moque, se moque de moi, se moque de qui ? De quelqu'un qui, malgré les regards remplis de désespoir, malgré les statistiques, n'a jamais cessé d'aimer comme un enfant.