Le cauchemar a déjà commencé
Tous les matins, je les vois s'agglutiner en bas de chez moi. Entre le moment où je pars déposer les enfants au centre aéré et celui où je reviens, ils sont parfois une trentaine, figés comme les zombies du film de Roméro, réduits au-delà de la mort à hanter les centres commerciaux. Si ceux-là sont encore bien vivants, ils commençent le siège du Lidl en bas de chez moi une demi-heure avant l'ouverture. Frustrés de n'avoir rien pu acheter dimanche, ils sont sur les starting-blocks dès le lundi matin. Le jeudi est leur jour de plus grand affluence : c'est celui des promotions de la semaine. Leur nombre peut alors monter jusqu'à une cinquantaine.
Je traverse leur foule un peu inquiet. Qu'adviendrait-il de cette secte étrange et pour le moment passive si l'ouverture des portes venait à être retardée ? Me prendraient-ils comme bélier pour enfoncer la porte ? Monteraient-ils chez moi piller mes placards à la recherche d'une boîte de fruits au sirop non entamée ou d'une barquette de betteraves rouges ? Si ma vie venait à être menacée, devrais-je les viser dans la tête ou au niveau de porte-monnaie ? Les faire reculer en brûlant des caddies ? Ou attendre d'être secouru par les mousquetaires de la distribution ?