Appelez-moi Philippe Doomez
Je me demande parfois si je ne suis pas un hardcore gamer dont on a effacé la mémoire et qui a été réinséré dans la vie "réelle" après qu'on lui ait implanté des souvenirs qui ne sont pas les siens. Car, aussi efficace qu'ait été mon lavage de cerveau, je rechute parfois. Et toujours de la même façon. Pourtant, depuis la fin de "Half Life" (voir Plus jamais malade en grenouillère), je n'avais pas touché au moindre first-person shooter. J'avais consacré la mémoire de mon PC a des activités moins barbares, et je n'ai jamais été tenté par l'achat d'une console de jeux. Quand les zouzous ont reçu une Gamecube pour Noël, je n'ai pas replongé. Ce n'est pourtant pas la tentation d'acquérir un "Silent Hill" ou un "Resident Evil" en cachette qui m'a manqué, mais j'étais guéri. Et puis les consoles portables ont fait leur apparition à la maison. Une Gameboy, et puis une Gameboy Advance et encore une Gameboy SP. J'ai bien trompé l'ennui en vacances en essayant quelques jeux de plateforme ("Kuzco", "Tintin et le temple du soleil"...), mais j'ai vite laissé tomber tellement j'étais nul. Et puis j'ai craqué. Comme mu par un réflexe conditionné, j'ai racheté "Doom" sur Gameboy Advance. Pourquoi ? Certainement parce que je n'y croyais pas : le jeu sur lequel je jouais sur PC il y a plus de 10 ans ne pouvait certainement pas tenir dans une cartouche de la taille d'une petite boite d'allumettes. Ce n'était pas possible. Le jeu qui valait 350 francs en magasin ne pouvait pas coûter quelques euros sur un vide-grenier.
Et pourtant
si : dès le premier niveau, même si la taille de l'écran a
considérablement diminué, je retrouve les mêmes sensations. Les
mêmes bruitages. Le même plaisir de tirer sur des ennemis tellement
pixelisés qu'on jurerait qu'ils ont été modélisés en Lego. Je suis
toujours aussi nul pour trouver les passages secrets. Faute de
notice, je n'ai pas compris comment on passait d'une arme à une
autre, et je me retrouve à envoyer des roquettes alors qu'un simple
coup de fusil de chasse aurait suffit. Evidemment, je suis fort
dépourvu quand, au tableau suivant, j'aurai bien besoin d'une arme
de frappe massive pour dézinguer les deux minotaures ( les fameux "barons de l'enfer") qui se sont
jurés d'avoir ma peau. Ceux-là, j'ai beau vider des chargeurs de
mitraillettes sur eux, rien à faire : je finis toujours par me faire
rétamer. Press Any Key To Continue. En cherchant à éviter leurs attaques, je me
souviens pourquoi j'ai commencé par adorer "Doom" avant de le
détester. Parce que j'ai perdu des heures à recommencer les mêmes
niveaux. A tomber pour mieux me relever, incapable de résister à
l'invitation de me reprendre une grosse branlée.
La seule
chose qui a changé, en 10 ans, c'est que je mets certainement moins
de temps à me rendre compte que je suis en train d'en perdre. Je
regarde la cartouche du jeu du coin de l'œil. Tu penses que je vais
t'insérer dans la Gameboy et me faire humilier encore pendant une
heure ? C'est bien mal me connaître. Ils peuvent dormir sur leurs
deux cornes les minotaures, ce n'est pas demain que je vais aller les
déranger. Si mes cartouches sont épuisées et que mon
armure est en pièce, ma jauge d'apathie est à 100%. Vous me
mettriez "Duke Nukem" sous le nez que je ne broncherai pas. D'ailleurs,
ça existe" Duke Nukem" sur Gameboy Advance ?