Jean-Pierre, Carla et moi
En parcourant son "entretien 100% télé", je m'attendais à tout sauf à trouver une photo de mes héros, flanqués de l'incontournable Sophie Favier. Coté musique, Philippe Manoeuvre et Jean-Pierre Dionnet restent ses "enfants du rock" favoris. Mince, on a ça en commun, Carla Bruni et moi. Si j'ai déjà rendu au premier les hommages qu'il mérite, je n'ai jamais reconnu publiquement l'admiration que je porte au second. Et pourtant, il n'a jamais cessé de la mériter. J'en ai encore eu la confirmation en lisant la préface de Lady Snowblood. Je suis même sûr que j'aurai trouvé beaucoup moins de plaisir à découvrir cette saga si je n'avais pas écouté les recommandations bienveillantes de ce grand-frère par procuration qui, après avoir cité le plus évident (Tarantino a reconnu s'en être inspiré pour Kill Bill), s'attarde sur le contexte dans lequel une femme accomplit sa vengeance : l'ère Meiji. Tous les Japonais sont appelés à devenir soldats, et c'est la fin du monde pour les samouraïs qui vont devenir ronins et disparaître un à un, comme l'ont fait chez nous, il n'y a pas si longtemps, les bouilleurs de cru.
Dionnet parler aussi des cinéastes japonais de la Nouvelle Vague, de Crying Freeman, d'Alexandre Dumas et de l'autorité des scénaristes sur leurs éditeurs. Il évoque un fait divers qu'il a lu dans la presse alors qu'il était à Los Angeles pour illustrer le fait que Lady Snowblood reste très actuel. Tout en restant à la fois concis et accessible, et en donnant des pistes à ceux qui voudraient aller plus loin. Pour un bloggeur qui, comme moi, cherche tous les semaines à initier des fans de pop indé aux petits volumes en noir et blanc imprimés à l'envers, c'est un modèle. Du coup, j'aurais aimé que Jean-Pierre écrive aussi celle du Fleuve Shinano, du même dessinateur, et qui m'a beaucoup moins plu. Parce que le scénariste est moins bon ? Parce que je n'ai pas eu les clés pour comprendre son travail ? Ça me perturbe, mais ça ne m'empêche pas pour autant de dormir.
Ce qui me traumatise par contre, c'est l'idée que Carla, après avoir acheté les quatre volumes de Lady Snowblood, est allé se procurer Lone Wolf and Cub puisque Jean-Pierre en fait également l'éloge. Qu'elle l'a laissé traîner sur la table de nuit, que Nicolas l'a parcouru et qu'il est devenu fan de mangas. Qu'ils reçoivent Dionnet à dîner en privé à l'Elysée, et qu'il défriche pour eux les grandes branches de la bande dessinée japonaise (dont il a été un des précurseurs en faisant paraître, dans la collection Speed 17, la première traduction de Gen d'Hiroshima). Je les imagine tous les deux sous la couette, l'un plongé dans Ushijima, usurier de l'ombre, l'autre dans Galaxy Express 999. Tous les semaines, ils envoient un garde républicain chez Gibert Jeune pour choper avant moi les nouveautés en occasion (ce qui expliquerait le mal que j'ai à mettre la main sur le tome 6 de Under The Same Moon, le tome 5 de Ki-Itchi, le tome 4 de Yumihari...). Et ça, ça m'empêche vraiment de fermer l'oeil.