Mon Batman à moi
Difficile de me joindre au cortège de louanges accompagnant la sortie du nouveau Batman tant cette nouvelle édition est encore une fois ratée : depuis le vocoder de Dark Vador jusqu'à une armada de gadgets à rendre jaloux James Bond, j'ai eu du mal à reconnaître le héros dont j'arborais fièrement le t-shirt à l'adolescence. Pourquoi aucun réalisateur n'est-il parvenu à donner à Bruce Wayne l'humanité du Spiderman de Sam Raimi ? Et depuis quand la Batmobile, objet de tous les phantasmes s'il en est, ressemble t-elle à un tank ? Ebranlé dans mes certitudes, j'en étais réduit à me demander, en sortant du cinéma, si j'aimais vraiment Batman.
En guise de test, j'ai relu Vengeance oblige (traduction très libre du titre original : Batman, Year One), le récit de David Mazzucchelli d'après un scénario de Frank Miller. Et j'ai regretté que Christopher Nolan ne l'ait pas fait avant moi : il s'agit d'une des meilleurs réappropriations du mythe. Parce que Mazzucchelli est moins l'héritier des grands dessinateurs de DC Comics que le disciple le plus doué de Gilbert Hernandez, le frère de Jaime. Et que Frank Miller s'attache plus ici au personnage du lieutenant Gordon. Il y a du Serpico chez ce flic intègre qui, par son refus des compromissions, va être la victime du harcèlement continuel de ses pairs. Mais ce héros ordinaire possède aussi sa part d'obscurité : perturbé par sa prochaine paternité, il est démangé par l'adultère. Il suscite autant l'admiration que la compassion. Chez Frank Miller, Gordon n'a jamais autant ressemblé au héros masqué dont il va devenir l'ami.
Malheureusement, dans tous les Batman que j'ai eu l'occasion de voir au cinéma, Gordon est réduit à une seule et même fonction : celle d'allumer le projecteur dans le ciel de Gotham City. Et de s'effacer pour laisser la place à des combats toujours plus spectaculaires. Pourquoi les réalisateurs se bornent-ils à faire défiler les méchants alors que le vrai renouvellement consisterait à donner plus d'épaisseur aux gentils ? Puisque les séances de cinéma coûtent maintenant aussi cher que les bandes dessinées, je crois que je vais revenir aux sources : depuis Vengeance oblige (1988, quand même), j'ai pas mal d'épisodes à rattraper. Et un t-shirt vintage à retrouver. A la batcave, sans doute.