L'assassinat du Père Noël
Pendant presque 30 ans, j'ai respecté ce rituel immuable. D'abord l'attendre, pendant des mois. Le guetter dans la boîte aux lettres. Ensuite en caresser la couverture, en apprécier l'épaisseur, avant de commençer à le feuilleter. Toujours par les dernières pages, pour arriver directement à l'essentiel. Et m'y perdre ensuite pendant de longues heures, dressant les listes les plus délirantes pour le plaisir de les reprendre à zéro le lendemain. Ne rien cocher, ne rien corner : respecter son caractère sacré. Ne le jeter qu'au moment où arrive le nouveau, et tout reprendre à zéro. Malheureusement, c'est fini. C'est un monde qui s'effondre pour moi : comme si celui de l'enfance venait de fermer ses portes à jamais, me laissant sans boussole au milieu de celui des adultes. Il faudra maintenant en parler au passé, et s'accrocher à ceux des années précédentes comme aux derniers vestiges d'une Atlantide sur papier glacé. Les pages "jouets" disparaissent de l'édition automne/hiver des 3 Suisses, et c'est comme si 30 ans de rêve s'évanoussaient d'un coup.