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22 mars 2008

Frère Jack

J'avais promis qu'on ne m'y reprendrait plus. A titre préventif, je gardais au mur les souvenirs de mes précédentes rechutes. J'étais majeur et vacciné désormais. Et même chef de famille. Je ne pouvais plus me livrer à des actes régressifs et dépensiers. Du moins, c'est ce que j'avais cru. Mais j'ai craqué. J'aurai bon dos de dire que c'est la faute à eBay et aux alertes automatiques auxquelles je suis inscrit. Rien ne me forçait à y répondre. Rien, si ce n'est la tentation, irrépressible et contre laquelle la raison a bien peu d'arguments à faire valoir. Le prix n'était même pas prohibitif. Fébrile, j'ai attendu la fin des enchères le nez collé à mon écran plat, rafraichissant mon navigateur toutes les 10 secondes. Et même si un enchérisseur se déclare à la dernière minute (seconde ?), je finis par l'emporter, dans un sentiment mêlé de honte et de fierté.

Je donne rendez-vous au vendeur pour une remise en main propre. La veille, il m'envoie un mail déconcertant : " Demain, ce sera ma mère qui viendra au rendez-vous à ma place car j'ai un contre temps à cause du boulot ! Elle vous attendra comme prévu devant la mairie à 19h, elle portera une doudoune prune, elle a les cheveux noir et court et elle est très sympa !!". La situation est encore plus grotesque.Pourtant, le soir venu, mon coeur bat la chamade. La doudoune est bien là. Elle a même la monnaie sur 20 euros. Je pourrai tenter de me justifier, expliquer que je suis hyper fan, que j'ai même acheté les rééditions deluxe chez Azuka, mais je n'ai pas envie. Elle m'explique que sa fille a presque vendu toute sa collection, qu'elle l'avait achetée au Japon, d'ailleurs elle y retourne tous les ans, si vous avez besoin de quelque chose, faites-lui signe. Je l'écoute à peine, les yeux rivés sur mon plaisir coupable. Sur l'annonce, elle m'avait l'air plus grande. Mais elle est quand même magnifique sous son blister en état mint, ma figurine de Black Jack.

bacljack

Désormais punaisé à mon mur, j'écris sous son regard bienveillant. Le chirugien de l'ombre est emprisonné sous son blister en plastique comme Han Solo figé dans sa carbonite. Je n'en avais absolument pas besoin, et les Zouzous ne pourront même pas jouer avec. Mais ce petit bout de carton, c'est ma fenêtre vers le Japon. Un jour, j'irai là-bas. Voir si le coeur de la ville bat en moi. Et celui d'Osamu Tezuka.

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