Avec le dessous de la cuillère
La discussion survolait jusque là des questions qui ne m'empêchent pas de dormir : Volunteers est-il le meilleur Jefferson Airplane ? Les albums studio du groupe de Grace Slick ne sont-ils pas très en dessous des live ? Le tout premier Neil Young n'est-il pas souvent oublié au profit de Everybody Knows... ? J'acquiesçais sans voir venir l'attaque cardiaque. Qui n'allait pas tarder. Lovin'Spoonful, au mieux le groupe de trois singles ? J'ai cru que j'allais y passer. Si j'avais eu de l'alcool dans le sang, j'aurai trouvé le courage de monter sur le zinc pour entonner, a cappela, un medley composé de "Rain on The Roof", "Do You Believe in Magic," "Jug Band Music" et "Six O'Clock". Il n'est pas né celui qui baffouera devant moi l'honneur du groupe formé par John Sebastian et Zal Yanovsky, les plus sous-estimés des orfèvres pop. Existe t-il seulement un coffret qui leur soit consacré ? Leurs disques sont-ils tous disponibles en dehors du Japon ? Sans parler de la discographie solo de John Sebastian, qui ne semble même pas avoir connu le passage au CD...
Pourtant les Lovin'Spoonful n'ont rien à envier mélodiquement parlant aux meilleurs groupes de leur époque. Si ce n'est qu'ils n'ont jamais signé leur Village Green Preservation Society ou leur Odessey and Oracle : c'est dans le format single, tous plus attachants les uns que les autres, qu'ils excellent. Même David Lee Roth (oui, oui, : David Lee Roth) ira de son hommage en reprenant, sur son maxi 45 tours solo (celui avec "Just a Gigolo", ne faites pas ceux qui ne s'en souviennent pas), l'inoubliable "Coconut Grove". Moins niais que les Monkees, moins tourmenté que les Beach Boys, moins crédible que les Beatles (Mc Cartney avoue avoir été influencé par "Daydream" en composant "Good Day Sunshine"), le groupe se séparera en 1968.
Par quel disque commençer ? N'importe quelle compilation fera l'affaire, pourvu qu'elle n'oublie pas "Darling Be Home Soon" et "Younger Generation", leurs deux plus belles ballades. J'ai acheté la mienne dans un supermarché en Autriche il y a une quinzaine d'années, et c'est certainement le plus beau souvenir qui me reste de ce voyage. Je ne comprends pas que les Lovin'Spoonful n'aient jamais été réhabilités à leur juste valeur et qu'ils continuent à n'être considérés que comme des étoiles filantes, celles de "Summer in the City". Moi, je m'en enfile des grandes cuillerées chaque fois que j'aimerai bien que ce soit l'été en ville. Et le pire, c'est que ça marche. Au moins dans ma tête, pendant moins de 3 minutes.