Cette année nous appartient

JP me dévoilait le contenu audio de son iPhone en faisant défiler les pochettes des albums sous mes yeux, mais c'était moins le contenant qui m'intéressait que le contenu. Ou plutôt : ce ce qu'il sous-entend sur sa manière d'écouter de la musique en 2008. Car pour lui qui dépensait presque une centaine d'euros par semaine en disques, le concept d'album est caduque. Impitoyable, il égrene les tracklistings pour ne garder que les morceaux qui l'intéressent. On parle beaucoup des nouveaux modes de consommation économiquement parlant, mais l'action irréversible du digital sur l'écoute est aussi révolutionnaire. Si la durée se prolonge, la fidélité - aussi bien au son qu'à l'artiste - décroit proportionnellement. Les baladeurs ne contiennent plus d'albums mais des playlists aléatoires géantes. Est-ce un retour à la culture du single, la seule qui existait avant l'arrivée du long-format ?

Actuellement, je picore pas mal de morceaux d'un blog à l'autre. J'épluche tous les top de l'année écoulée. Il y a pas mal de bonnes surprises dans le lot , qui peut-être ne tiendront pas leurs promesses (ma tocade du moment : "West Coast", par Coconut Records). Et puis il y a ceux qui remettent tout en question, comme Lacrosse, mignon groupe suédois dans la droite lignée de Peter, Bjorn & John et I'm From Barcelona. Rien de révolutionnaire sur les tartines, juste des bonnes chansons qui se ressemblent un peu toutes... sauf la dernière, "This New Year Will Be For You and Me", qui est tellement au-dessus du lot qu'elle vient baptiser l'album. Leur premier. Que je n'aurai jamais écouté en entier si je m'étais contenté des singles dispersés d'un blog à l'autre.  Et que je ne porte toujours pas aux nues, si ce n'est qu'il sert de berceau à la formidable montée en puissance de "This New Year...", son passage a-cappela, sa fausse fin et sa conclusion instrumentale. En 2008, je découvre toujours des chansons que j'ai envie d'écouter dix fois de suite parce que je n'ai pas envie qu'elles se terminent. Pas de doute, cette année nous appartient, à Lacrosse et moi.

Comments

[Vincent H]

D'ailleurs, il est vrai que le dernier morceau de l'album de Lacrosse est une très bonne pop-song, mais le reste de l'album est très bon aussi. Il faut donner une chance aux artistes au-delà d'une chanson. Prenons le temps !

[benoit]

L'idéal serait de revenir au 33 tours : la musique redeviendrait précieuse, par peur de la rayer; nos oreilles feraient une pause au moment de changer de face et ce serait moins facilement téléchargeable.

[vincent g]

Qu’un groupe ne tienne pas la longueur d’un album, à la limite peu importe tant qu’il s’agit d’alimenter son baladeur. En fin de compte, l’histoire de la pop music s’est plus nourrie de chansons que d’albums. C’est un autre problème quand il s’agit de donner un concert.

En fait, je crains qu’effectivement le format standard ne (re)devienne le single. Je dis « je crains » car il peut, à mon avis, avoir un effet pervers sur nos petites oreilles.

Je m’en explique en osant une question : ne voit-on pas apparaître dans les festivals ou les cafés-concerts de plus en plus de groupes engagés sur la foi d’une ou deux chansons, là où un album entier était jadis nécessaire ? Et dès lors, comment s’assurer qu’un artiste ayant uploadé une ou deux jolies chansons sur son myspace soit capable d’assurer un concert « de qualité » pendant au moins une heure ?

C’est l’essence de la Flèche d’Or ou de la Route du Rock d’engager des groupes jeunes, voire débutant et donc parfois maladroits, je le conçois. Mais n’assiste-t-on pas à une manie de la découverte érigée comme seule loi ? vous me direz : ce genre de truc à toujours existé, et l’an dernier à la Route du Rock ya eu les Smashing Pumpkins. Mais il me semble pourtant qu’autrefois les artistes devaient se faire les dents avant d’arriver à mes oreilles, et que même un groupe « débutant » tenait une heure de concert. Aujourd’hui, un groupe c’est une chanson et x amis de myspace.

Donc soit je suis aujourd’hui plus « en avance » et je chope les groupes au berceau (peu probable, franchement), soit l’époque nous pousse à tout découvrir, tout de suite, partout, tout le temps, quitte à provoquer des tonnes de déchet.

Vincent.

Ps : j’exhorte la jeunesse de ce pays à ce procurer « fan fictions » de philippe dumez, délicieuse relecture de nos obsessions futiles et nos mythologies minuscules. Ha, quel bonheur !