La grande vadrouille (7)
Tous les jours, j'ai croisée autour de la piscine. Impossible de la rater avec son deux-pièces Vichy blanc et rose, sa chevelure blonde en cascade et ses grosses lunettes fumées. Son air lascif est inimitable. En une semaine, je l'ai observée prendre un nombre invraisemblable de poses, toutes abouties par une moue de cinéma. Je ne l'ai pas contre jamais vue dans l'eau : au mieux, elle trempe ses pieds dans la pataugeoire. Et joue avec cet épais livre à moitié entamé qu'elle manipule plus comme un accessoire que pour le plaisir qu'elle semble trouver à le lire. Elle ne parle jamais à personne, vit comme sur une île déserte au milieu de 600 lits en pension complète (et 130 en location), n'est même pas interrompue dans son numéro par le moindre SMS.
Évidemment, je me suis demandé toute la durée du séjour quel est ce livre qui semble la barber autant. A cause de son jeune âge et de son air désabusé, j'ai misé sur Lolita de Nabokov. Ça lui irait vraiment comme un gant. J'ai plusieurs fois essayé d'en aperçevoir la couverture, mais elle le pose toujours dos contre terre, grand ouvert sur sa serviette éponge. Jusqu'au dernier jour, où le hasard le dispose dans l'autre sens. Je peux enfin découvrir la solution. Et mesurer l'étendue de mon erreur. Je me trouve bien sot. Que pouvait donc lire une adolescente en vacances à la mer ? Nabokov ? J'en ris encore. Et puis quoi encore, Kundera ? Non, évidemment. C'est plus simple que ça. Beaucoup plus simple. Le nouveau Harry Potter !