Plein comme un 9
Tout ça, c'est la faute à Jean-Luc. Il ne m'en aurait pas parlé, je ne serai jamais allé voir. Mais la tentation était trop grande. Je dirai même plus : à portée de télécommande. J'étais même surpris que personne ne m'en ait parlé avant puisque l'évènement remonte à octobre 2006. J'ai commencé par ne pas y croire. Je jetais un coup d'oeil régulièrement sans jamais tomber dessus. Jean-Luc n'est pourtant pas le genre à bobarder. Et puis, un matin que les zouzous s'étaient réveillés trop tôt et réclamaient les dessins animés, je l'ai vue. L'Académie des 9. La même qu'avant, avec ses candidats encloisonnés les uns par dessus les autres. Avec ses stars (Daniel Prevost, Laurence Badie, Micheline Dax, Jean-Marie Proslier, Henri Tisot, Robert Castel...) et ses oubliés (Amarande, Greg Germain, Francis Lemaire, Isabelle Mergault...). L'Académie des 9, avec ses jeux à la noix (Le dernier des 9, le tableau des 9, Les 9 à la côte...) et ses questionnaires de barrage (les noms masculins qui changent de sens au féminin, les cités phocéennes, les chefs-lieux de Loire Atlantique...). L'Académie des 9 avec ses invités musicaux (Dave qui chante "Elle voulait refaire l'Amérique/revoir les Stones en public/Au pavillon de Paris", Buzy et son "C'est le genre de mec qui me fait monter l'adrénaline/Tellement qu'il frime/Quand il fait son show/moi, ça me fait froid dans le dos"... ) mais aussi d'autres figures totalement inimaginables en prime-time aujourd'hui : le guitariste René Bartholi (?) qui interprète assis sur une chaise en plan fixe pendant 3 minutes son instrumental romantique "Aurore". Ou Armand Lerco (??) interrogé par Jean-Pierre Foucault au sujet de son roman "Les chevaux pendus aux arbres", paru chez Grasset. Toute moquerie mise à part, L'Académie des 9 est le vestige d'un monde englouti : celui où la bétise pouvait tutoyer la culture sans vulgarité.
L'Académie est multi-diffusée sur la chaîne la plus fascinante que j'ai vue depuis longtemps : JET, pour Jeux Et Télévision (ne rater sous aucun prétexte les "vidéos cultes" sur le site). Parce qu'elle exhume aussi Anagram, le one-man-show de Daniel Prevost qui a tenu 4 mois à l'antenne en 1986. Un Fort Boyard japonais, Viking, présenté par Jean-Pascal (Jean-Pascal ? Jean-Pascal !). Ainsi que l'émission grâce à laquelle j'ai failli gagner 200 euros : La nuit ensemble. Je me revois encore composer le numéro indiqué en bas de l'écran pour passer en direct à l'antenne : il y avait encore 3 réponses à découvrir, et j'étais sûr de détenir au moins l'une d'elle. J'ai d'abord raccroché quand j'ai compris que c'était truqué : il fallait d'abord que je m'inscrive au tirage au sort grâce au chiffre magique qui apparaît sur l'écran. Puis j'ai décidé de tenter quand même ma chance (0,56 euro l'appel + surtaxe éventuelle), et le miracle a eu lieu : un standardiste de JET m'a rappelé, m'a demandé mon prénom et ma réponse. Quelques secondes plus tard, avec un léger différé, j'ai entendu ma voix à l'antenne : malheureusement Autant en emporte le vent ne figurait pas parmi les films romantiques très célèbres dont il fallait deviner les noms.
J'ai aussitôt rejoué pour proposer tous les films avec Hugh Grant que je connaissais : mais malgré plein de nouvelles tentatives, de chiffres magiques et d'attente débrile à coté du téléphone, JET ne m'a pas donné une seconde chance. La nuit ensemble, c'est tous les soirs en direct de 22h45 à 02h45 : une animatrice livrée à elle-même meuble désespéremment l'antenne en attendant que des candidats appelent. Ou du moins elle en donne l'apparence pour que vous vous sentiez obligés d'abréger sa douleur. Le fait d'avoir perdu ne m'a absolument pas découragé : je n'ai pas pu résister quand il s'agissait de découvrir un mot lié à la couleur verte commençant par les lettres "s" et "a" et associé au moment de Noël. Même s'il n'y avait que 100 euros à gagner, j'allais me refaire. Et vous savez quoi ? J'étais tellement vexé que JET m'oublie cette fois-ci que je suis allé me coucher sans attendre la réponse.